BLEAU ! TOUTE UNE HISTOIRE
De l’introduction à l’histoire d'en dire quelques mots à l'infini...
INTRODUCTION
Probablement que Chacun se souvient de ses débuts en bloc. Comment Chacun a su qu'il était possible de faire de la grimpe en forêt de Fontainebleau ! Comment Chacun a fait connaissance avec Bleau ! En sommes, comment chacun d'entre nous en est venu un beau jour à enfiler une paire de chaussons d’escalade, en se disant peut être après les avoir péniblement enfilés : Mais quel drôle de nom pour une chose qui vous comprime, vous martyrise les pieds alors que l'on vient à peine de faire deux ou trois pas sur le rocher. Effectivement, l'escalade n'est pas un loisir de pantouflards.
Peut-être qu’aussi, parce que ça se faisait hier, Chacun s’est procuré un tapis brosse et un peu de résine de pin pour fabriquer la fameuse poupée de chiffon du « Bleausard » : poupée de chiffon bourrée avec de la colophane que l'on dénomme « Pof-pof », à cause de la plainte qu’elle fait lorsqu'on lui cogne la tête contre le rocher. Ou encore, parce que ça se fait aujourd'hui, Chacun s’est offert un beau tapis de réception et un joli sac de magnésie, afin d’être tout de suite au point, côté image d'épinard…
Bref, en vous dotant des attributs du parfait petit bloqueur, comme l’a fait Chacun et les autres, peut-être aviez-vous cru alors, que vous vous apprêtiez à faire un sport de plein air comme les autres, une sorte d'activité plaisante et anodine pour citadin en manque de chlorophylle. Mais peut-être vous ne saurez le dire car vous vous êtes jamais posé la question.
Longtemps avant les compétitions "officielles" avec remise de médailles en vrai et les véritables classements fédéraux par catégories d'âge et de sexe, l'escalade était perçu par la majorité des personnes comme une activité ludique de plein air, et accessoirement pour ceux qui le revendiquaient un sport par nature pas tout à fait comme un autre. C'était de la considération de Chacun. L'on pouvait aussi ruser avec les mots pour mettre tout le monde d'accord... Que l'escalade en blocs naturels est une activité sportive ludique de plein air. Et si malgré tout vous rejetez le compromis et que vous affirmez que l'escalade est un sport comme les autres et point final, c'est sans doute parce que vous faites des compétitions et que tout occupé à cela, vous n'avez pas encore perçu, lorsque vous vous rendez à Bleau faire vos escalades, la dimension charnelle, psychologique, et culturelle de la grimpe en bloc ; comme vous semblez sous-estimer le charme de la forêt de Fontainebleau, qui rend si différente l’escalade en tout autre lieu : charme qui au pire de l'ignorance, restera inconnue pour bien des grimpeurs qui ne fréquenteront que le rocher artificiel dressé en salle d'escalade, avec bar, vestiaires, jacuzzi et hammam. Lieux de confort qui tendent a être l'unique terrain de jeu de plus en plus de bloqueurs. (Ce qui ne gène nullement l'auteur de ce texte, étant fortement attacher à l'essence culturelle de l'escalade : le libre arbitre et fait ce qu'il te plait).
Mais peut-être vous êtres en train de vous demander en dépits des années qui ont repassées votre vieille peau sans arriver à l’attendrir : - Mais de quoi parle-t-il celui-là ? - Une forêt est une forêt, l'escalade de l'escalade, le bloc du bloc, et il n'y rien à voir d'autre que ça ! Mais, peut-être venez-vous à peine entamer les premières saisons de grimpe au sein de la forêt de Fontainebleau ; peut-être êtes-vous encore un poussin tout jaune venant à peine de commencer à aiguiser sa sensibilité sur la meule du temps ; cela expliquant que vous n’êtes pas encore convaincus que l’escalade à Bleau : c’est de la vie pure livrée en bloc ; donc pas encore affûté pour ressentir que la forêt de Fontainebleau est capable d’enfanter dans les âmes des grimpeurs les plus virils : l’enchantement, l'émerveillement, le bien être des privilégies.
En tout cas, si vous faites partie de ceux que le charme de Bleau n’a pas encore complètement envoûtés, mais souhaitez tout de même savoir à quoi vous en tenir en prenant des années, prenez le temps d’écouter les vieux grimpeurs radoter de leur activité ! - Beaucoup vous diront, avec un vibrato de violoncelle dans la voix et l’œil humide de bonheur « qu’il n’y a pas mieux comme sport » : « Que l’escalade c’est l’harmonie ; l’harmonie constante et parfaite entre le corps et l’esprit d’une part, et entre soi et le milieu naturel d’autre part, et autant qu’avec l’élément sur lequel nous évoluons. Autant dire qu’aller à Bleau, c’est comme avoir du feu dans la cheminée au cœur de l’hiver ; c’est comme ressentir la douce caresse rafraîchissante d’un vent léger contre sa peau lorsqu'elle est soumise à la brûlure ardente du soleil d’été ». Autant avouer qu’aller à Bleau ça peut devenir un insatiable besoin, une envie constante, un réconfort, un art de vivre ; qu’aller à Bleau c’est comme une ordonnance mystérieuse émanant de l’air, c’est comme si on était ferré par le chant envoûtant d’une flûte enchantée que l’on n’entend pas, mais qui vous ramène insatiablement sur les rochers au lieu de vous laisser à la maison à épousseter les bibelots et essuyer la vaisselle. (ou pire encore, selon les tempéraments, se laisser aller à végéter devant le poste de télévision en regardant les navrantes clowneries du dernier animateur à la mode de la chaîne Machin). En somme, autant être averti de suite, c’est cela le vrai danger de l’escalade à Bleau : c’est perdre pied dans la mouvance placide d’un quotidien banalisé… pour reprendre les mots de que j’ai lu quelque part à propos de tout autre chose dont je ne me souviens plus : peut-être la pêche à la ligne, le moto-cross, la chasse aux gros, la course à pied... Mais qu'importe, car comme toute bonne mayonnaise, on peut la servir avantageusement pour un tas de mets.
Tout cela semble exagéré ! Sans doute un peu suivant le principe de l'humour ! Mais c’est tellement difficile d’expliquer une passion, la fidélité rare à un sport qu’on ne consent abandonner pas avant que l’âge parvient à figer ses articulations pour toujours. Oui, j'en ai vu des tordus et des cassés s'accrocher désespéramment aux prises pour se sentir encore dans le coup.
Cependant, si la pratique de l’escalade peut être ressentie comme une des formes parfaites du plaisir et de bien-être, c’est aussi que, cette activité procure un grand sentiment de liberté ; et ce n’est pas seulement parce qu’elle s’effectue dans un cadre naturel remarquable, mais aussi parce qu’elle n’est régie par aucune règle de jeu comme le football ou le tennis ; ni soumise à aucun étalonnage : de temps, de poids et de distance, comme la course à pied et au lancement du javelot ; ni régie par des catégories et des classements comme dans les sports de combat, mais déterminée par un désir naturel simple : et en toute liberté des moyens, arriver là où on veut par le chemin que l’on veut (Sur les plus haut sommets de là-bas, où là-haut sur les petits monticules de grès bellifontain en l’occurrence). Mais que l’on ne se méprenne pas : aucun sport n’est plus exigeant avec soi-même, justement parce que le pratiquant est à la fois : joueur, juge de touche, et arbitre, aussi bien dans la contrainte que dans la réussite. Aussi, de par cette particularité rare qu’est le libre arbitre dans une activité physique et récréative, fait que l’on peut être conduit à prétendre que l’escalade n’est pas un véritable sport. Car qui dit sport suivant les critères universels des sports, dit règles communes que chacun est contraint de suivre sous l’œil inquisiteur d’un jury ou d’un arbitre impartial : la seule personne apte à valider ou pas les performances (Par exemple : Renauld Lavillenie franchit 6,07m au saut à la perche : au passage il l’effleure, la barre vibre mais ne tombe pas. Sur le coup, Renauld Lavillenie est heureux cas il pense avoir réussit. Mais il y a le jury, et son saut est invalidé car la barre a été légèrement déplacée sur son taquet, ce qui équivaut selon leur souveraineté, à une barre tombée). Autrement dit, le fait même que l’on s’impose soi-même les exigences du jeu et que l’on proclame soi-même ses performances, discrédite l’escalade en tant que sport à part entière pour ce que cette particularité permet - comment dire - de souplesse ; du moins en terrain naturel comme à Fontainebleau pourtant connu pour ses prodigieuses voies extrêmes et ses incroyables réussites. En fait, vu sa liberté quasi souveraine, hors contexte des compétitions officielles en salle, c’est au pratiquant de décider si oui ou non, il fait un sport. Question que le grimpeur se pose rarement semble-t-il. Il grimpe d’abord pour son plaisir, c’est sa priorité, son envie, son amour, sa passion. Comme cela semble satisfaire Chacun, alors, qu’il en soit toujours ainsi !
Qu’il en soit toujours ainsi ! , ai-je dit ! Pourtant, depuis son invention, le jeu a constamment évolué, vu qu'aujourd’hui, on ne l’aborde pas comme hier : les objectifs atteints et les manières de réussir se démarquant sensiblement à chaque génération, et vers quelque chose à chaque fois d’inattendu. Mais, incontestablement, comme au premier jour, c’est encore le libre arbitre qui prime, que cela soit en montagne ou cela soit à Fontainebleau… Je parle de la montagne car l’escalade en bloc vient de là, elle est née de l’alpinisme il y a plus d’un siècle : l’escalade à Bleau à cette époque étant une activité uniquement préparatoire à la montagne. Mais de par son intérêt intrinsèque, la pratique du bloc a fini par trouver sa propre identité, en devenant sans complexe une discipline à part entière. En tout cas, s’il y a encore quelques grimpeurs qui ne souscrivent pas à cette vérité proclamée mais non démontrée, cela semble pourtant clair aux jeunes générations de « bloqueurs » qui ne fréquentent ni la montagne, ni la falaise de plus d’une longueur de corde de haut. Ce qui ne signifie pas que les vieilles valeurs de l’escalade en bloc ont été perdues ou abandonnées, car en regardant bien ce qui semble contemporain, on s’aperçoit qu’elle a encore les empreintes de son évolution comme l’homme a gardé en lui l’héritage biologique et culturel de ses ancêtres ; ce qui veut dire que l’escalade telle qu’elle se fait aujourd’hui, ne pouvait pas naître spontanément, ne pouvant qu’être le résultat d’un mouvement plus ou moins rapide. Mouvement qui est en tout cas plus compliqué qu’il n’y parait, et qui devient perceptible lorsqu’on lui donne un sens, c'est-à-dire lorsqu’on interprète son évolution inscrite dans l’histoire des hommes. Car en dépit des apparences, l’escalade n’est pas une activité marginale et ponctuelle de quelques réfractaires asociaux, mais bien un produit de notre civilisation qui obéit à ses lois inconscientes et mal connues. Aussi, comme c’est également notre prétention dans ce site, de tenter de développer librement la petite histoire de l’escalade en Forêt de Fontainebleau, nous vous proposons sitôt ce préambule achevé, de partir plusieurs millénaires en arrière et de retourner au temps où il y avait des montagnes, des hommes socialisés et organisés en nations, mais toujours pas d’alpinisme ; puis de ces temps lointains, où les montagnes n'étaient que des figures de style de la création, de revenir sur une machine à passer le temps à toute vitesse au vingt et unième siècle, afin de tenter d'observer son mouvement, un peu comme on verrait l’éclosion d’une fleur sur un film à défilement rapide. Pour cela, il faut que nous tentions d’échapper à l’habituelle énumération anecdotique d’exploits individuels plus ou moins marquants, car cette énumération de dates et de faits successifs, nous semble plutôt figer l’histoire à la fierté de ce qu'il s'accomplit aujourd'hui, alors qu’elle prétend montrer son évolution. A la rigueur si l’énumération des performances montre un mouvement, elle ne l’explique pas vraiment. - Est-ce que nous y parviendrons ? - Saurons-nous capable d'arriver au bout de cette intention ambitieuse ? - Pour le savoir, il nous faut essayer et cela sitôt cette phrase finalisée.
01 - La Montagne à l'ère des âges farouches
03 - L'Imaginaire et la Montagne
06 - Les Lumières et les Glacières, de nature à tout un poème
07 - Voyage à la cime du Mont Blanc
08 - L'âge tendre de l'Alpinisme
(Chapitres en court de rédaction...)
10 - L'Âge d'or de l'Alpinisme : une histoire sur mesure.
11 - L'Âge de pierre de l'Alpinisme (1865 - 1905).
12 - L’utilité idéologique de l’Alpinisme, le retard français.
13 - Le Bleau des romantiques, les précurseurs... (1840 à 1900)
14 - Les premières escalades rocheuses connues à Bleau (1900 environ).
15 – L’escalade rocheuse, l’Alpes panache des jeunes (1905 - 1914).
16 - Bleau et l'Alpinisme. (1905 à 1940 et de 1945 à 1970)...
17 - etc...
Carte postale ancienne - Passage de L'Arche de l'Antre aux Druides aux Gorges de Franchard.
Carte postale ancienne - La Dame D'Avon avec son célèbre " chapeau " au Rocher D'Avon.